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Ici vit le Noir la peur au ventre
Cette peur sans cesse refoulée
Sans cesse remise en lumière
L’Amérique en moi
C’est une partie de ma peau
La rumeur la plus sourde
Je viens de t’abattre à la sortie du motel.
Tu es demeuré vivant, mais vieilli ;
des résidus de chlore ornent tes yeux.
Comme si ce n’était pas assez,
j’ai réentendu ta voix blonde :
À Cristina Campo
Ce sont mes voix qui chantent
pour qu’ils ne chantent pas, eux,
les muselés grisement à l’aube
les vêtus d’un oiseau désolé sous la pluie.
Les toilettes chimiques de Sani Mobile
occupent le coin à l’entrée de l’ensemble résidentiel
il y en a de multiples couleurs
pour autant d’états d’âme
un état d’âme peut aussi être en opposition
En novembre, un nouvel incendie a ravagé l’usine des vêtements de l’ouest.
Les neuf étages de l’enfer se sont écrasés sur les ouvriers du pays des terres inondées.
on me prend cute
pour ici
ou pour emporter
on me prend
par la main
en me disant
c’est incroyable
Maintenant j’avance sur un terrain miné,
l’espace m’a tout enlevé et je reprends
là où chaque pierre pourrait exploser
Je m’enfoncerai dans les trous de la plaine
dans la tourbe où s’encaquent les errances effrayées des bisons
meuglant la découverte limitrophe de l’immense pays azuré.
Il y a des jours où je revois Sudbury
dans l’asphalte craqué des rues de Saint-Boniface.
La mémoire s’écoule comme la noirceur de la ville où j’ai grandi
Ma grand-mère a murmuré :
Ton grand-père est vieux comme le chemin.
Seul dans sa chambre,
il lit le journal.
Je voudrais le bercer,
petit corps
Je ne trouve pas toujours
les phrases
pour décrire la lumière
accrochée au rideau de ma chambre
ou les notes d’une chanson
dans mon oreille
Alors je lis des poèmes
avec des images
Il y a les larmes des folles tristesses
et des peines minuscules
celles de la colère
plus pointues que des couteaux
plantés dans la poitrine
les larmes d’impuissance
si on me punit
Je ferme les yeux
Un rayon de soleil
Pénètre mes paupières
Infrarouge
Un filet de sang
Fait son chemin
Hors de moi
Chaque fois
Dans la cuisine
ma mère recousait des ailes
rapiéçait des membres
ma mère était une magicienne
elle faisait des costumes
des armures avec des pattes
des pyjamas pour chiens
Le paysage maintenant, le paysage, voilà,
comme des langues de faim
ou des lèvres de froid ou de foule,
samedi soir une fois encore
des filles fumées jusqu’au filtre
des filles fleurs en manque de pollen
une réceptionniste deux fois une infirmière
un membre du personnel soignant et même
la médecin alors qu’elle avait les mains
Je marche à côté d’une joie
D’une joie qui n’est pas à moi
D’une joie à moi que je ne puis pas prendre
Ô jeunes gens ! Élus ! Fleurs du monde vivant,
Maîtres du mois d’avril et du soleil levant,
N’écoutez pas ces gens qui disent : soyez sages !
Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m’attends.
J’irai par la forêt, j’irai par la montagne.
L’éléphant qui n’a qu’une patte
A dit à Ponce Pilate
Vous êtes bien heureux d’avoir deux mains,
Je vis, je meurs, je me brûle et me noie,
J’ai chaud extrême en endurant froidure,
La vie m’est trop molle et trop dure.
Très haut amour, s’il se peut que je meure
Sans avoir su d’où je vous possédais,
En quel soleil était votre demeure
Dans l’eau du temps qui coule à petit bruit,
Dans l’air du temps qui souffle à petit vent,
Dans l’eau du temps qui parle à petits mots
L’ange qui marche obstinément derrière toi
D’un soleil …
Nous aurons des douches neuves remplies d’alluvions et d’odeurs atroces.
Nos corps pleureront des gouttelettes de suie brune.
Tu verras comme nous serons heureux.
Ça crie de tous les côtés
rickshaw roupie didi hello
dans une rue sans adresse
Grand-mère Tida avait une tombe
Grand-mère Tida avait une maison
elle préférait la tombe à la maison
un musicien me demande
si le français se meurt
comme le cellulaire
Mélancolie. Pour la sonorité du coquelicot. Pour l’étoile de mer sur le rebord de la fenêtre. Pour le cri du coq à l’aube. Pour le sillage de l’avion dans le ciel de juillet.
Cadence. J’ai cinq ans et ma mère danse tandis que je ne sais pas écrire, « j’ai de beaux oiseaux et des pendants d’oreilles » elle virevolte et chavire dans mes pensées volantes, toute
Sans espoir de rien, aller par les rues,
C’est là un destin meilleur qu’on ne croit,
À cause des allées et venues
J’entre et je sors de moi-même souvent,
Je me demande audience parfois,
Je me rencontre en de noirs corridors,
Quatre canards dans le lac
Et
Douze chasseurs dans les roseaux
Je ne suis plus qu’un peu de chair qui souffre et saigne.
Je ne sais plus lutter, j’attends le dernier coup,
Le coup de grâce et de pitié que le sort daigne
il y a des volcans qui se meurent
il y a des volcans qui demeurent
il y a des volcans qui ne sont là que pour le vent
assis sur la muraille en fleur de mes limites
je regarde sérieusement dans son moment donné
oh le cadeau de vent woups l’allure de l’éternité
Si a et b sont au carré
si la neige s’additionne avec la pluie
et que mon ombre m’accompagne dans la nuit
maintenant nous sommes assis à la grande terrasse
où paraît le soir et les voix parlent un langage inconnu
de plus en plus s’efface la limite entre le ciel et la terre
Je ne veux pas mourir comme on meurt en novembre
avec ce rien de nuit qui nous remplit les yeux
et cette fin du monde au bout de nos regards
J’ai pris de la pluie dans mes mains tendues
— De la pluie chaude comme des larmes —
Je l’ai bue comme un philtre, défendu
C’est août qui flambe. Au bois comme au champ tout est mûr.
Le sauvage raisin offre son jus qui grise ;
Le soleil a pourpré la pomme et la cerise ;
Mon insomnie a vu naître les clartés grises.
Le vent contre ma vitre, où cette aurore luit,
Souffle les flèches d’eau d’un orage qui fuit.
J’ai tant rêvé de toi que tu perds ta réalité.
Est-il encore temps d’atteindre ce corps vivant et de baiser sur cette bouche la naissance de la voix qui m’est chère ?
Et je ne sais plus le temps qu’il fait
ni de quelle saison nous tirons ces jours,
je crois qu’il fait de grands escaliers de bois
Reste la nuit
cette boule bleue que tu portais au coin des lèvres
nuit-fumée nuit des lilas-rafales et des seins-pendentifs
Le matin se lève toujours trop tôt
car le cœur ne vibre
que la nuit, dans le noir
Dieu tout au bout de soi-même, quand éclate l’écorce et que les laves coulent de source.
Dieu des ruptures de glace et des bas-fonds généreux.
Ramper avec le serpent
se glisser parmi les lignes
rugir avec la panthère