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le fleuve approche
j’aimerais briller solitaire,
pleurer sur le ventre de la païenne
jusqu’à m’en écouler le bleu calme de l’iris
il faut le dire ta dernière lettre elle se pesait en
TONNES
Elle écrasait tout dans son grand rectangle noir imprimé :
tandis que les cicatrices
de nos feuilles d’automne
sillonnent la neige frugale
je rêve l’hiver
je rêve l’hiver de toi
que c’est dur de narrer le futur
dans la fragilité du présent
Je me nommerai Mississippi
Assiniboine
Azueï
Oaxaca
j’aurai un nom de reine
ma fleur d’origine
Je suis
j’existe
Nous qui n’avons rien
il nous faut regarder les feuilles qui tombent
dans l’air immobile
il nous faut regarder aussi
les feuilles que le vent éparpille
nous qui ne connaissons rien
dans l’immobilité de l’après-midi
bêtes et hommes endormis aux fougères
le grésillement de l’air emprisonne
nos paroles
cette langue nouvelle s’agrippe aux parois
Elle a une main dans la main du désir
Nous ramons en haute mer
Les eaux suffoquées cassées
Masses pendues aux os tendres
Où je meurs au dialogue des corps
Une femme de verre aux tombeaux étonnés
semant sapins et sources sur la matière bleue
d’un pays sans nom
creusant l’étroit passage qui abritera
ses songes de cendre
ses visages :
Jean-Talon tentaculaire
mille détours pour se rendre d’une ligne à
l’autre de l’orange à la bleue
je n’ai pas souvent affaire sur la bleue une chance
Christine y habite maintenant ne pas oublier
Ma terre je la prendrai dans ma main
je la soignerai
avec un pan
ma jupe
essuiera ses larmes noires
mes cheveux ses joues creuses
je la bercerai en ses tremblements
je ne dors plus
Je viens de t’abattre à la sortie du motel.
Tu es demeuré vivant, mais vieilli ;
des résidus de chlore ornent tes yeux.
Comme si ce n’était pas assez,
j’ai réentendu ta voix blonde :
Mon enfant, ma sœur,
Songe à la douceur
D’aller là-bas vivre ensemble !
Il fera longtemps clair ce soir, les jours allongent.
La rumeur du jour vif se disperse et s’enfuit,
Et les arbres, surpris de ne pas voir la nuit,
Dans Venise la rouge,
Pas un bateau ne bouge,
Pas un pêcheur dans l’eau,
Prête-moi ton grand bruit, ta grande allure si douce,
Ton glissement nocturne à travers l’Europe illuminée,
Ô train de luxe ! et l’angoissante musique
Petite halte dans la nuit
Où le sommeil s’en va sans bruit
De mes paupières relevées.
J’ai tant rêvé de toi que tu perds ta réalité.
Est-il encore temps d’atteindre ce corps vivant et de baiser sur cette bouche la naissance de la voix qui m’est chère ?
Le matin se lève toujours trop tôt
car le cœur ne vibre
que la nuit, dans le noir
Ramper avec le serpent
se glisser parmi les lignes
rugir avec la panthère
Je ne sais pourquoi
Mon esprit amer
D’une aile inquiète et folle vole sur la mer.
Hôpital ! hôpital au bord du canal !
Hôpital au mois de Juillet !
On y fait du feu dans la salle !
Le bateau sentait le thé
Quand nous traversions la mer,
À deux, à trois, pour aller
J’ai lu que les poètes, en Chine, sont très doux.
Et qu’il y en a un qui est mort de la lune ;
Et les Chinois ne disent pas qu’il était fou
La mer quand elle a fait son lit sous la lune et les étoiles
et qu’elle veut sombrer tout à fait dans le sommeil ou dans
l’extase
Les oiseaux apparaissent,
S’allume une flamme
Et c’est la femme ;
une spelling bee
c’est une affaire pour savoir
si ej pouvons coller des lettres ensemble
Je me souviens d’une station wagon qui coupe la nuit
qui ouvre la nuit du nord comme un couteau de chasse
ouvre sa proie
Le vent parle dans la toison brouillée
D’un arbre au front d’argent qui brille,
Un tilleul jeune au seuil de l’ombre
Pars courageusement, laisse toutes les villes ;
Ne ternis plus tes pieds aux poudres du chemin :
Du haut de nos pensers vois …
Il est d’étranges soirs, où les fleurs ont une âme,
Où dans l’air énervé flotte du repentir,
Où sur la vague lente et lourde d…
Je suis un pâle enfant du vieux Paris, et j’ai
Le regret des rêveurs qui n’ont pas voyagé.
Au pays bleu mon âme en vain se réfugie,
De l’éternel Azur la sereine ironie
Accable, belle indolemment comme les fleurs,
Le poète impuissant qui maudit son génie
Salut ! bois couronnés d’un reste de verdure !
Feuillages jaunissants sur les gazons épars !
Salut, derniers beaux jours ! le deuil de la nature
Lorsque avec ses enfants vêtus de peaux de bêtes,
Échevelé, livide au milieu des tempêtes,
Caïn se fut enfui de devant Jéhovah,
Le visage de ceux qu’on n’aime pas encor
Apparaît quelquefois aux fenêtres des rêves
Et va s’illuminant sur de pâles décors
J’ai plus de souvenirs que si j’avais mille ans.
Un gros meuble à tiroirs encombré de bilans,
De vers, de billets doux, de procès…