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Ils n’ont pas su regarder ils ont laissé
Vieillir le temps
Le dernier miracle se balance
À la poutre du garage
C’est toujours la même voix
Perdue la même voix de couteaux qui appelle
*
viens on va aller se promener
je vais te pointer tous les endroits où j’aurais voulu être du temps
que toi tu y étais
ça fera des tracés, une carte, notre Lonely Planet personnel
Ma terre je la prendrai dans ma main
je la soignerai
avec un pan
ma jupe
essuiera ses larmes noires
mes cheveux ses joues creuses
je la bercerai en ses tremblements
je ne dors plus
Je viens de t’abattre à la sortie du motel.
Tu es demeuré vivant, mais vieilli ;
des résidus de chlore ornent tes yeux.
Comme si ce n’était pas assez,
j’ai réentendu ta voix blonde :
le vent joue avec moi comme il parle aux feuilles
tous les jours je me dirige vers le jardin de la gare je songe à
l’énigme de mes gestes pense oui mais je dis non un court-cir-
le gros monde veut me vendre une église
des habits neufs
de beaux chapeaux
le gros monde veut me border
de fleurs de lampadaires
de taxes foncières
Maintenant j’avance sur un terrain miné,
l’espace m’a tout enlevé et je reprends
là où chaque pierre pourrait exploser
Il y a des jours où je revois Sudbury
dans l’asphalte craqué des rues de Saint-Boniface.
La mémoire s’écoule comme la noirceur de la ville où j’ai grandi
(pour Jean Marc et Brigitte)
Je me réveille au son d’une pelle qui gratte la
neige.
Je me réveille au son de cloches qui sonnent contre
les fenêtres endormies.
Ma grand-mère a murmuré :
Ton grand-père est vieux comme le chemin.
Seul dans sa chambre,
il lit le journal.
Je voudrais le bercer,
petit corps
Dans la cuisine
ma mère recousait des ailes
rapiéçait des membres
ma mère était une magicienne
elle faisait des costumes
des armures avec des pattes
des pyjamas pour chiens
Voilà : bercer le mort,
je berce le mort, facile, fidèle.
Dans le cardinal de l’homme et de la femme.
Tu réveilles en moi des souvenirs confus.
Je t’ai vu, n’est-ce pas? moins triste et moins modeste.
Ta tête sous l’orage avait un noble geste,
Les servantes faisaient le pain pour les dimanches,
Avec le meilleur lait, avec le meilleur grain,
Le front courbé, le coude en pointe hors des manches,
N’écris pas. Je suis triste, et je voudrais m’éteindre.
Les beaux étés sans toi, c’est la nuit sans flambeau.
J’ai refermé mes bras qui ne peuvent t’atteindre,
Nous aurons connu
le ciel plombé, les sapins noirs,
les rauques croassements des corbeaux
Un pays sans mémoire est une femme sans miroir
Belle mais qui ne le saurait pas
Un homme qui cherche dans le noir
Qui es-tu ?
Je suis Mamadi, fils de Dioubaté.
D’où viens-tu ?
Je n’ai pas su.
T’emplir les mains.
Risquer ta peau.
là dans la torpeur de la cour nous aurions arrosé le riz de senteurs de haricots ou de champignons noirs de membres de gallinacées et d’effluves de citronnelle
Les lambeaux de notre amour mitigé
Accrochés aux poutres de mes souvenirs
Imprimés en moi éternellement.
Grand-mère Tida avait une tombe
Grand-mère Tida avait une maison
elle préférait la tombe à la maison
Mélancolie. Pour la sonorité du coquelicot. Pour l’étoile de mer sur le rebord de la fenêtre. Pour le cri du coq à l’aube. Pour le sillage de l’avion dans le ciel de juillet.
Cadence. J’ai cinq ans et ma mère danse tandis que je ne sais pas écrire, « j’ai de beaux oiseaux et des pendants d’oreilles » elle virevolte et chavire dans mes pensées volantes, toute
La grande amour que vous m’aviez donnée
Le vent des jours a rompu ses rayons —
Où fut la flamme, où fut la destinée
du voyage dont je reviens je ne ramène ni souvenirs ni photographies
juste une évidence
j’ai revécu la création de l’univers et l’évolution de toutes les espèces
J’écris comme on consulte un album de photos
une photographie, c’est l’existence au plus-que-parfait du subjonctif
à l’imparfait du subversif, du disjonctif
Tombe des Morts !
Encore cette odeur de sang sous mon ciel
Innocent.
Tel que je suis, dans la livide lumière,
Tel que j’écris, mouillé d’un jour lunaire,
l’ombre longue de ma main glissant sur le feuillet,
Je connais de la vie
Ce qu’on ne veut point dire
Je sais toute la sève coulée au cours des jours.
la vie avait jeté des paillettes
dans ses yeux
elle confondait dès lors le soui-manga et l’aigle
j’en veux
encore, toujours plus, insatiable
je veux les remuer à la pelle
Puisque voici Ma Dame Lune
Par les lucarnes des maisons,
Voici pour nous bonne fortune,
Reste la nuit
cette boule bleue que tu portais au coin des lèvres
nuit-fumée nuit des lilas-rafales et des seins-pendentifs
faut-tu qu’on corde tous les souvenirs
comme le bois à Beaumont
ça fait quèques semaines que je pense à ça
Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages,
Dans la nuit éternelle emportés sans retour,
Ne pourrons-nous jamais sur l’océan des âges
Je voudrais pour aimer avoir un cœur nouveau
Qui n’eût jamais connu les heures de détresse,
Un cœur qui n’eût battu qu’au spectacle du beau
Sylvia et Ann boivent des martinis dans le bar
d’un hôtel à Boston. Leurs robes aux motifs soyeux
s’enroulent autour de leurs doigts ; elles se demandent
Le bateau sentait le thé
Quand nous traversions la mer,
À deux, à trois, pour aller
J’avais un fantôme dans le cœur
Sans cesse je murmurais son nom
Une prière pour nous exorciser
Il va neiger dans quelques jours. Je me souviens
de l’an dernier. Je me souviens de mes tristesses
au coin du feu. Si l’on m’avait demandé : qu'est-ce?
Avant que tout éclate en morceaux
j’aimerais écrire dans ta main
un tout petit poème
J’avais un grand arbre vert
Où nichait mon enfance ailée,
Un arbre grand troué de lumière
L’enfant qui jouait le voilà maigre et courbé
L’enfant qui pleurait le voilà les yeux brûlés
L’enfant qui dansait une ronde le voilà qui court après le tramway
Je me souviens d’une station wagon qui coupe la nuit
qui ouvre la nuit du nord comme un couteau de chasse
ouvre sa proie
Alors que je logeais, bien humble pensionnaire,
Au numéro vingt-trois de ce quartier ancien,
J’eus longtemps — grâce au ciel moins qu’au…
Frères humains, qui après nous vivez,
N’ayez les cœurs contre nous endurcis,
Car, se pitié de nous pauvres avez,
J’ai plus de souvenirs que si j’avais mille ans.
Un gros meuble à tiroirs encombré de bilans,
De vers, de billets doux, de procès…