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Ils étaient quatre qui n’avaient plus de tête,
Quatre à qui l’on avait coupé le cou,
On les appelait les quatre sans cou.
Le vent parle dans la toison brouillée
D’un arbre au front d’argent qui brille,
Un tilleul jeune au seuil de l’ombre
Pars courageusement, laisse toutes les villes ;
Ne ternis plus tes pieds aux poudres du chemin :
Du haut de nos pensers vois les cités serviles
Étire-toi, la Vie est lasse à ton côté
— Qu'elle dorme de l'aube au soir,
Belle, lasse
Plein de colère et de raison,
Contre toi, barbare saison,
Je prépare une rude guerre,
Assise, la fileuse au bleu de la croisée
Où le jardin mélodieux se dodeline ;
Le rouet ancien qui ronfle l’a grisée.
Parbleu bon ! je vais par les rues.
Mais je n’y vais pas de mon chef,
Ni de mes pieds, qui par méchef
Il est d’étranges soirs, où les fleurs ont une âme,
Où dans l’air énervé flotte du repentir,
Où sur la vague lente et lourde d’un soupir
Un petit roseau m’a suffi
Pour faire frémir l’herbe haute
Et tout le pré
Sans bruit, sous le miroir des lacs profonds et calmes,
Le cygne chasse l’onde avec ses larges palmes,
Et glisse. Le duvet de ses flancs est pareil
Beau chevalier qui partez pour la guerre,
Qu’allez-vous faire
Si loin d’ici ?
Debout ! le soleil caresse nos draps.
Que ne suis-je né près de Mytilène !
Allons respirer l’odeur des cédrats
Dans l’immense Prairie, océan sans rivages,
Houles d’herbes qui vont et n’ont pas d’horizons,
Cent rouges cavaliers, sur les mustangs sauvages,
Comme un qui s’est perdu dans la forêt profonde
Loin de chemin, d’orée et d’adresse, et de gens :
Comme un qui en la mer grosse d’horribles vents,
La lune était sereine et jouait sur les flots. —
La fenêtre enfin libre est ouverte à la brise,
La sultane regarde, et la mer qui se brise,
Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal,
Fatigués de porter leurs misères hautaines,
De Palos, de Moguer, routiers et capitaines
Je suis un pâle enfant du vieux Paris, et j’ai
Le regret des rêveurs qui n’ont pas voyagé.
Au pays bleu mon âme en vain se réfugie,
Après le long silence fumant,
Après le grand silence civil de maints jours tout fumant de
rumeurs et de fumées,
I’ bruinait... L’temps était gris,
On n’voyait pus l’ciel... L’atmosphère,
Semblant suer au d’ssus d’Paris,
Journées dans des jours
Vécus à peu près,
Heures sans amour
À pas lents et tardifs tout seul je me promène,
Et mesure en rêvant les plus sauvages lieux ;
Et, pour n’être aperçu, je choisis de mes yeux
Marquise, si mon visage
A quelques traits un peu vieux,
Souvenez-vous qu’à mon âge
La vie parfois
comme une affiche lacérée
sur la palissade d’un terrain vague
Frères humains, qui après nous vivez,
N’ayez les cœurs contre nous endurcis,
Car, se pitié de nous pauvres avez,
Dans l’herbe noire
Les Kobolds vont.
Le vent profond
Le moulin tourne au fond du soir, très lentement,
Sur un ciel de tristesse et de mélancolie,
Il tourne et tourne, et sa voile, couleur de lie,
— Que dis-tu, que fais-tu, pensive tourterelle, Dessus cet arbre sec ? — Las ! passant, je lamente. — Pourquoi lamentes-tu ? — Pour ma compagne absente,
C’est un trou de verdure où chante une rivière
Accrochant follement aux herbes des haillons
D’argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Quand sur moi je jette les yeux,
À trente ans me voyant tout vieux,
Mon cœur de frayeur diminue ;
De l’éternel Azur la sereine ironie
Accable, belle indolemment comme les fleurs,
Le poète impuissant qui maudit son génie
Beauté, mon beau souci, de qui l’âme incertaine
A comme l’Océan son flux et son reflux :
Pensez de vous résoudre à soulager ma peine,
Salut ! bois couronnés d’un reste de verdure !
Feuillages jaunissants sur les gazons épars !
Salut, derniers beaux jours ! le deuil de la nature
Le Chêne un jour dit au Roseau :
Vous avez bien sujet d’accuser la Nature ;
Un Roitelet pour vous est un pesant fardeau.
Ah ! la belle pleine Lune,
Grosse comme une fortune !
La retraite sonne au loin,
On voit mourir toute chose animée,
Lors que du corps l’âme subtile part :
Je suis le corps, toi la meilleure part :
Lorsque avec ses enfants vêtus de peaux de bêtes,
Échevelé, livide au milieu des tempêtes,
Caïn se fut enfui de devant Jéhovah,
Tra la, tra la, la la, la laire !
Qui ne connaît pas ce motif ?
À nos mamans il a su plaire,
Si notre vie est moins qu’une journée
En l’éternel, si l’an qui fait le tour
Chasse nos jours sans espoir de retour,
Vous aviez mon cœur,
Moi, j’avais le vôtre :
Un cœur pour un cœur ;
Le visage de ceux qu’on n’aime pas encor
Apparaît quelquefois aux fenêtres des rêves
Et va s’illuminant sur de pâles décors
Mon âme est comme un ciel sans bornes ;
Elle a des immensités mornes
Et d’innombrables soleils clairs ;
Un chant dans une nuit sans air...
La lune plaque en métal clair
Les découpures du vert sombre.
Pleurez, doux alcyons ! ô vous, oiseaux sacrés,
Oiseaux chers à Thétis, doux alcyons, pleurez !
Elle a vécu, Myrto, la jeune Tarentine !
J’ai plus de souvenirs que si j’avais mille ans.
Un gros meuble à tiroirs encombré de bilans,
De vers, de billets doux, de procès, de romances,
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Faut-il qu’il m’en souvienne