Mention de source
Laurence Philomène

Biographie

Roxane Nadeau est une écrivaine et critique littéraire pour Estuaire. Née à Rimouski en 1993 et ayant vécu à Montréal pour y faire un BAC et une maîtrise en création littéraire, elle a finalement emménagé à Trois-Rivières où elle travaille à titre de travailleuse autonome en révision linguistique et gestion de réseaux sociaux. Roxane est aussi la poète derrière le recueil Les garçons au vent aux éditions de La Tournure. On compte sa participation dans plusieurs collectifs dont Enjeux de la poésie contemporaine au Québec (à paraître) et Québequeer (2020). Sa démarche mêle la nature enchanteresse du Bas-Saint-Laurent aux illusions Lovecraftiennes, dans des intrigues qui célèbrent l’autonomie de personnages rêveurs et déterminés à survivre. Avec Alexandra Tremblay elle a rapporté en 2018 le prix Porte-Voix avec leur texte de théâtre « Sailor Moune: je voudrais correspondre ».

Entrevue

Lisiez-vous de la poésie quand vous étiez à l'école ? Y a-t-il un poème en particulier dont vous vous souvenez ?

Quand j’étais à l’école primaire, ma grand-mère a été la première personne à me faire lire de la poésie, elle avait des recueils de La Fontaine qui étaient très épais. Ça avait piqué ma curiosité parce que je ne connaissais que les classiques comme « la cigale et la fourmi », et je me demandais de quoi parleraient les autres textes. Quand j’étais un peu plus vieille, je rêvais de devenir écrivaine et j’avais l’impression qu’il me faudrait lire de la poésie pour m’inspirer. J’ai choisi une « anthologie de la poésie française » à la bibliothèque de mon école secondaire et je n’ai aimé presque aucun poème sauf un. J’ai oublié le titre, mais il comportait une analogie qui comparait la colère à un raisin, et ça me semblait totalement nouveau et intense comme image, comme un raisin qu’on écrase et qui explose d’un coup en déversant son jus.

Quand avez-vous commencé à écrire de la poésie ? Et quand avez-vous commencé à vous considérer poète ?

Avant même que je sache *vraiment* écrire, je voulais déjà être une écrivaine. J’avais des images et des idées d’histoires qui me touchaient beaucoup émotionnellement, et j’avais très envie de les mettre sur papier pour que les gens comprennent. Mes premiers poèmes étaient sur des gens à l’école qui n’étaient pas mes amis, mais dont j’avais envie de parler quand même. Pendant plusieurs années, je me considérais comme une romancière plutôt qu’une poète. Mais à l’université, quand j’ai écrit mon premier manuscrit destiné à une maison d’édition, je me suis surprise à avoir envie d’écrire mon histoire sous forme de poèmes, pour mieux pouvoir parler de tout ce dont je voulais parler sans m’embarrasser de créer des personnages et une intrigue continue. C’est après la publication de ce recueil de poésie, Les garçons au vent, que j’ai eu envie de me qualifier de poète.

Comment voyez-vous le « travail » des poètes ?

Je ne vois pas « poète » comme un métier équivalent à « infirmier » ou « première ministre ». Pour moi, la poésie est une façon de s’exprimer comme d’envoyer des lettres ou d’appeler au téléphone. Un moyen qui communique un message difficile à partager autrement, et à un grand nombre de personnes sans néanmoins être tout le monde. Les gens qui sont très bons dans ce mode de communication ou qui l’utilisent souvent peuvent s’appeler des « poètes ». Un message partagé dans un poème n’est pas nécessairement plus important que celui que quelqu’un enverrait dans une lettre. C’est une question de préférences et de sensibilités.

Si vous avez un poème dans notre anthologie, qu’est-ce qui vous a inspiré lors de son écriture ?

Mon poème « le fleuve approche » vient de mon recueil Les garçons au vent. Ce poème parle d’une personne très spéciale, qu’on pourrait qualifier de sorcière, qui promet de grandes choses à mon personnage principal qui vit l’aventure. Mais avant de donner ces grandes choses, la sorcière demande au personnage principal d’accomplir certaines épreuves qui ont l’air très douloureuses. En écrivant le poème, j’avais envie de parler de mon envie quand j’étais jeune de trouver une personne puissante, mystérieuse, un peu comme une sorcière, pour qu’elle m’aide à vivre des expériences intéressantes et qu’elle me permette de devenir plus forte, plus grande, plus intelligente… comme elle !

Le poème ne dit pas s’il est vraiment possible de relever les épreuves que pose la sorcière. Le poème ne dit pas non plus si la sorcière est gentille ou méchante. Par contre, le poème dit que l’envie d’être rassurée, d’être guidée, de devenir quelqu’un de spécial est un souhait qui est très courant. Personnellement, je trouve que c’est presque réconfortant de savoir qu’il y a beaucoup de femmes, dans le passé ou le présent, qui partagent l’envie que j’avais toute jeune d’être spéciale, unique.

Si vous deviez choisir un poème à mémoriser dans notre anthologie, lequel serait-ce ?

J’aimerais que le poème « long hair » (que je traduis par « cheveux longs ») de Kai Cheng Thom passe à l’anthologie. C’est un poème caché à l’intérieur du roman Fierce Femmes and Notorious Liars. C’est un roman qui partage les vœux d’un personnage principal qui raconte ce qu’il aimerait vivre et avoir une fois que ses cheveux seront longs. Je trouve ça formidable comment les cheveux longs sont reliés au temps qui passe. Aussi, le personnage principal dans l’histoire du poème relie aussi ses cheveux au passé, à ses ancêtres. Ce personnage enroule ses cheveux sur son poignet pour retrouver son chemin, comme dans l’histoire du fil d’Ariane.

Les cheveux, qu’on peut perdre, devoir couper, ou ne pas pouvoir couper comme en ce temps de pandémie de la COVID-19, sont rattachés à beaucoup de souvenir et d’émotion plus les années passent, et lire un poème à leur propos est fantastique.

Publications

Titre
Les garçons au vent
Maison d'édition
La Tournure
Date
2017
Type de publication
Recueil
Titre(s) du ou des poème(s)
Littérature trans : de la prose à la poésie, de la négociation à l’expérimentation
Titre
Québequeer
Maison d'édition
Notabene
Sous la direction de
Isabelle Boisclair et Pierre-Luc Landry
Date
2019
Type de publication
Anthologie
Titre(s) du ou des poème(s)
Géographie queer d’un Montréal exalté. Urbanité trans et (en)jeux de frontières dans Fierce Femmes and Notorious Liars de Kai Cheng Thom
Titre
Enjeux de la poésie contemporaine au Québec
Maison d'édition
Presse de l'Université de Montréal
Sous la direction de
Stéphanie Roussel
Date
2021
Type de publication
Anthologie
Commencez ici :