Une compilation assemblée par Roseline Lambert
Une introduction, selon Roseline
Quel est le pouvoir de la poésie face à notre crise climatique?
Dans plusieurs endroits dans le monde depuis les années 1970, plusieurs poètes écrivent des poèmes qui s’inscrivent dans un courant de poésie appelé « écopoésie » ou « écopoétique ». Ce sont des poèmes qui cherchent à nous rappeler les liens que nous entretenons avec la nature, les animaux, les plantes et toutes les ramifications du vivant autour de nous.
Récemment, des poètes vont même plus loin et tentent de faire parler les animaux, les plantes et les roches avec nous. Si nous donnions une voix à tout ce qui s’anime autour de nous, que pourrais-tu y lire? On appelle cette nouvelle approche en art et en sciences sociales le « plus qu’humain » ou le « post-humanisme ». Ce courant vise à critiquer l’idée que l’humain doit être dans une position dominante dans notre écosystème.
Dans cette compilation, tu remarqueras que la poésie écrite par des personnes autochtones ou originaires de communautés colonisées est d’une grande influence sur cette thématique. Par exemple, dans son poème « la mer nous sauvera », Lorrie Jean-Louis entremêle la relation avec la nature avec le lourd héritage des descendant·e·s de l’esclavagisme ou des victimes de la guerre. Ou encore, dans son poème « si je ne touche pas », Marie-Andrée Gill évoque la force de la nature qui survit face à un passé colonial bétonné dans sa communauté ilnue.
Dans cette compilation, tu pourras également lire des poèmes écrits par des femmes et des personnes minorisées de genre qui nous rappellent que la connexion avec la nature est un thème important dans la poésie féministe. Je lis dans le poème d’Anick Arsenault comment elle évoque la force des femmes face à la nature et l’ampleur de leur savoir pour « s’occuper des carnassiers » et, dans celui d’Anne-Marie Desmeules, le pouvoir de la voix des femmes qui peuvent « réciter avec leurs organes ».
Mais penses-tu que la poésie a réellement un pouvoir face au défi climatique? Pour ma part, je crois que l’élargissement de notre imaginaire que permet la littérature pourrait nous aider à imaginer un futur plus vivable. Nous avons désespérément besoin de nouvelles manières de voir l’écosystème. Pourquoi pas en lisant et en écrivant des poèmes? C’est ce que peut nous apprendre l’écopoésie. Comme l’écrit Maude Pilon dans cette compilation, « Il nous revient de tout recommencer ».
Les poèmes
J-Card (PDF)
Ressources supplémentaires
Documentaire :
Je m’appelle humain, réalisé par Kim O’Bomsawin en 2020, avec Joséphine Bacon et Marie-Andrée Gill
Romans et recueils « plus qu’humains » :
Un roman québécois où on devient un lièvre : Le lièvre d’Amérique, Mireille Gagné, La peuplade, 2020
Deux recueils de poésie en anglais où on peut lire différentes voix dans une rivière, comme les loutres, les poissons et l’eau : Dart, Alice Oswald, Faber Heritage Poetry Editions, 2010, et Swims, Elizabeth-Jane Burnett, Penned in the Margins, 2017
Un roman féministe extraordinaire sur les conséquences de la crise environnementale et du patriarcat : Le mur invisible, Marlen Haushofer, Lemeac, Babel, 1968
Toute l’œuvre de l’écrivaine polonaise Olga Tokarczuk, qui a remporté le prix Nobel de littérature en 2018, est écopoétique. Si tu veux mieux comprendre notre relation avec les animaux, je te recommande en particulier ce roman : Sur les ossements des morts, Olga Tokarczuk, Les éditions noir sur blanc, 2012
Essais :
Deux petits essais écoféministes par des femmes engagées et pour apprendre des leçons des oiseaux :
Habiter en oiseau, Vinciane Despret, Actes Sud, 2019
Faire partie du monde : réflexions écoféministes, Collectif, Éditions du remue-ménage, 2017
Expériences :
Vinciane Despret participe à toutes sortes d’expérimentations artistiques attentives à nos relations avec le plus qu’humain, comme ce récent spectacle de théâtre joué par un poulpe seul sur scène : Solo pour un poulpe
Le magnifique projet La traversée de Rachel Bouvet, spécialiste de la géopoétique, un champ cousin de l’écopoétique qui nous fait écrire des poèmes en explorant le paysage et le territoire : La traversée
Références plus théoriques :
L’écopoétique ou l’art toujours renouvelé d’écrire la nature, Charlotte Fauve, 2023
« Approches écopoétiques des littératures française et québécoise de l’extrême contemporain », sous la direction de Julien Defraeye et Élise Lepage, Études littéraires, volume 48, numéro 3, 2019
Sara Buekens, « L’écopoétique : une nouvelle approche de la littérature française », Elfe XX-XXI [En ligne], 8 | 2019, mis en ligne le 10 septembre 2019, consulté le 6 juin 2023. URL : http://journals.openedition.org/elfe/1299 ; DOI : https://doi.org/10.4000/elfe.1299