Ah! vous dirai-je, maman…

Une compilation assemblée par Émilie Turmel

Une introduction, selon Émilie

La figure maternelle est un moteur d’écriture pour plusieurs poètes puisqu’elle permet de remonter aux origines, à l’enfance et au plus profond de l’intimité. Tantôt idéalisée comme symbole de fécondité, de tendresse et de réconfort, tantôt blâmée pour son absence ou ses fautes, la mère prend plusieurs visages. Les poètes l’invoquent non seulement pour la retrouver, la faire revivre et lui redonner sa voix, mais aussi parfois pour la venger des injustices subies ou encore pour échapper à son emprise. La mère peut aussi se mettre elle-même en jeu dans le poème et ainsi partager ses propres réflexions sur la maternité.

Qu'elle soit biologique ou d’adoption, de cœur ou d’esprit; qu’elle soit présente ou absente, réelle ou fictive; «[il] existe non pas une manière de représenter la mère, mais de multiples relations au maternel qui donnent lieu chacune à une forme textuelle particulière » (Lori Saint-Martin, Le nom de la mère, p. 16). Les poèmes de la présente compilation en témoignent. Il y a la mère ménagère et magicienne de Carole David, qui « recousait des ailes / rapiéçait des membres » avant de disparaître, un peu comme celle d’Erika Soucy, qui « chauffe au micro-ondes / se fait des tatas dans le reflet de la porte » ou encore celle de Paul Chanel Malenfant, qui « toute musique et cavale », danse « dans la chambre du piano de la grand-mère ». Il y a des mères souffrantes comme celle de Marie-Célie Agnant, qui a « les traits d’une Eurydice / fuyant la mort », celle de France Théorêt, dont « la folie s’exerce / devant ses enfants » ou bien celle de Patrice Desbiens, qui « n’est pas morte / [qui] fait semblant ». Il y a des mères plus fortes de nature : celle d’Ocean Vuong qui « seule […] peut marcher / avec le poids / d’un second cœur qui bat », celle de Joséphine Bacon, qui « redonne espoir », celle de Georgette LeBlanc et sa « manière d’affronter le vent », ou encore, comme l’écrit Billy Ray-Belcourt, « celle qui a donné naissance à sa propre personne trois fois ». Et enfin il y a « toutes ces mères qui ont toujours protégé leurs petits », celles à qui Louise Dupré s’adresse pour ultimement leur demander : « Comment écrire je si on ne croit plus en l’espèce humaine? »

En bref, bien plus qu’une thématique littéraire, la figure de la mère est l’un des archétypes fondamentaux de l’expérience humaine. Écrire sur la maternité et ses incarnations plurielles permet d’en révéler la complexité et de rendre publics des enjeux trop souvent relégués dans l’ombre de la vie domestique.

Les poèmes

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