soudons nos naissances au même rond de terre noire le
pays n’est plus de pierres piquantes nous traversons le
sahara des mémoires ancestrales nous
promenons à travers villes transparentes et soufflées par
géants aux exhalaisons verticales où seuls
tous les rois du verre sont opaques nos
rires rustiques nous
câlinons l’épaule pleureuse des saules chatouillons la
plante des pieds des érables et
tirons les poils de leurs bras pour les rendre clowns des
rois aux yeux de papier aux cœurs de carton et tressons avec
gazouillis des tilleuls aux feuilles pacifiques avec
refrains des bouleaux à cervelles d’hirondelles des
guirlandes de gaieté parfois
tourne un disque au rond-point des autoroutes le
cri du saxophone de coltrane cri
d’outarde ou de canard sauvage cri
transperçant le macadam et
courbant la terre jusqu’à son nombril parfois le
chant du cygne de davis cingle les
boulevards où l’homme
fonce paupières assoiffées d’arbres et le
cri de métal bourgeonne le ciel nègre d’obus à liberté parfois
douce la musique miniature de nos
langues près du
lac de nos larmes d’hier ainsi
souvenirs dépassés nos printemps n’ont plus à
mendier la lumière chaque
taudis regarde une rose à ses pieds tout homme
porte à sa bouche une femme ou un enfant la rose
n’a plus à être enceinte de
barbelés la porte des cages d’oiseaux n’a plus à être
verrouillée la brise est bonne qui
profile en toute saison en toute ossature le
be-bop du
printemps
Raôul Duguay, « La rose et le taudis » (extrait), Ruts, Éditions Trois-Pistoles, 1996, p. 223-224.