Compagnon des Amériques

Compagnon des Amériques

Québec ma terre amère ma terre amande

ma patrie d’haleine dans la touffe des vents

j’ai de toi la difficile et poignante présence

avec une large blessure d’espace au front

dans une vivante agonie de roseaux au visage

 

je parle avec les mots noueux de nos endurances

nous avons soif de toutes les eaux du monde

nous avons faim de toutes les terres du monde

dans la liberté criée de débris d’embâcle

nos feux de position s’allument vers le large

l’aïeule prière à nos doigts défaillante

la pauvreté luisant comme des fers à nos chevilles

 

mais cargue-moi en toi pays, cargue-moi

et marche au rompt le cœur de tes écorces tendres

marche à l’arête de tes dures plaies d’érosion

marche à tes pas réveillés des sommeils d’ornières

et marche à ta force épissure des bras à ton sol

 

mais chante plus haut l’amour en moi, chante

je me ferai passion de ta face

je me ferai porteur de ton espérance

veilleur, guetteur, coureur, haleur de ton avènement

un homme de ton réquisitoire

un homme de ta patience raboteuse et varlopeuse

un homme de ta commisération infinie

l’homme artériel de tes gigues

dans le poitrail effervescent de tes poudreries

dans la grande artillerie de tes couleurs d’automne

dans tes hanches de montagnes

dans l’accord comète de tes plaines

dans l’artésienne vigueur de tes villes

devant toutes les litanies

de chats-huants qui huent dans la lune

devant toutes les compromissions en peaux de vison

devant les héros de la bonne conscience

les émancipés malingres

les insectes des belles manières

devant tous les commandeurs de ton exploitation

de ta chair à pavé

de ta sueur à gages

 

mais donne la main à toutes les rencontres, pays

toi qui apparais

par tous les chemins défoncés de ton histoire

aux hommes debout dans l’horizon de la justice

qui te saluent

salut à toi territoire de ma poésie

salut les hommes et les femmes

des pères et mères de l’aventure 

Pour aller plus loin

 

1. Peut-on dire que le locuteur parle de son pays comme s'il en était amoureux?  Pourquoi?

 

2. Analysez le vers Québec  ma terre amère ma terre amande. Pourquoi  le locuteur accole-t-il les mots amère et amande à  la terre du Québec?  Regardez les définitions, symboles et assonances avec ces associations.

 

3 Le champ sémantique de la terre comme territoire est très présent dans le texte, mais aussi celui du monde maritime.  Relevez les mots qui évoquent ces thèmes.  Pourquoi ces deux thèmes sont-ils liés dans le texte?

 

4. De quelle injustice est-il question dans le poème?

 

5. Écoutez Gaston Miron lire ce texte dans le lien plus bas.  Faites une lecture en vous inspirant de celle de Miron, puis, lisez-le comme une lettre d'amour intime.  Alternez ces deux façons de lire le texte en changeant de strophes pour finir par trouver votre rythme et votre interprétation.

 

Activité d'écriture

Écrivez un poème amoureux à votre lieu de vie, village, ville ou  région en faisant ressortir les caractéristiques de ce territoire.

 

Liens utiles

 

http://archives.radio-canada.ca/arts_culture/poesie/dossiers/1234/

 

 

 

Section « Pour aller plus loin » rédigée par
Bibliographical info

Miron, Gaston, « Compagnon des Amériques », Lhomme rapaillé, Montréal, L’Hexagone (Typo), 1998.

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